Facebook annonçait la semaine dernière que sa solution Workplace (anciennement Facebook at Work) serait disponible gratuitement, avec les mêmes fonctionnalités pour l’utilisateur que dans sa version gratuite. Ce n’est pas nouveau dans le domaine du Digital Workplace, les dernières licornes de la Silicon Valley telles que Slack ou Trello ont elles aussi misées sur un modèle freemium dès le départ. Oui mais voilà, Slack et Trello étaient inconnus il y a encore 5 ans, et l’équation était simple : acquérir rapidement des utilisateurs pour lever des fonds, ou mourir, et quoi de mieux qu’un bon produit gratuit pour attirer du monde ?
Pour Facebook la donne est différente, c’est la 15ème marque mondiale [1] et Workplace compte déjà de belles références en France (Danone, Club Med, Renault Retail Group…) alors pourquoi sortir maintenant une version gratuite ?
La raison est simple, Workplace n’en a pas après le portefeuille des décideurs – du moins pas tout de suite – il en a après nous : les utilisateurs.
Reprenons par exemple l’histoire de Slack, la start-up levait il y a un an 200 millions de dollars pour être valorisée à près de 4 milliards. Les raisons sont nombreuses mais un chiffre revenait dans tous les articles : plus de 3 millions d’utilisateurs quotidiens. C’est la manière dont Slack a obtenu ces 3 millions de fidèles qui est intéressante, surtout au sein des grands groupes, car ils ne sont pas que rentrés par la grande porte en invitant une bonne partie des comités exécutifs du CAC40 dans leurs bureaux de San Francisco, ils sont aussi passés par la fenêtre.
En effet, nous avons vu chez certains de nos clients des équipes entières, et même du top management, ouvrir leur instance Slack au détriment des outils corporate avec une adoption qui ferait pâlir n’importe quel RSE. Le phénomène du shadow IT n’est pas neuf, mais c’est l’ampleur qu’il a pu prendre pour Slack (ou d’autres produits comme Trello) qui est intéressante et la raison est simple, le produit est beau, simple, efficace, et gratuit.
Cela pose bien entendu de nombreux problèmes aux DSI, le premier étant la sécurité des données, et Slack a tardé à leur proposer une solution avec le lancement de son offre dédiée pour les grands comptes Slack Enterprise Grid. Si l’on attend encore les premiers résultats, ils seront sûrement bons car in fine dans ce modèle, l’utilisateur a déjà choisi son outil et il est probable que l’entreprise doive s’adapter à défaut de proposer une solution équivalente tout de suite.
Même si Workplace ne nous a pour le moment pas convaincus, tout est là pour qu’il suive le même chemin que Slack. Le produit reprend les codes de sa version grand public avec une UX connue de – quasi – tous, son adoption est rapide, le bénéfice – même limité – immédiat, et il est disponible gratuitement. Pourquoi Facebook devrait faire l’effort de convaincre les équipes dirigeantes quand le métier s’en chargera tout seul en adoptant l’outil ? Au-delà de la qualité du produit, la gratuité est devenue une vraie stratégie d’implantation même au sein de grands comptes.
Cela fait écho à l’une de nos convictions forte chez Saegus, qui est aussi notre baseline, Digital Usages for Real : peu importe les réflexions et études amont pour le choix du prochain outil, c’est l’usage réel qui tranchera. La sphère privée a toujours été en avance en termes d’usages par rapport à la sphère professionnelle, nous avons chacun notre boîte à outils privée (messaging, réseaux sociaux, cloud…) adaptée à nos usages et à ceux de nos réseaux. Or nous pouvons aujourd’hui recréer cette boite à outils dans la sphère privée, avec des outils freemium comme Slack, Trello, G Suite, Evernote etc… Cela sera toujours l’utilisateur qui décidera d’adopter son outil, ou pas. Sans être nouveau, le double enjeu des directions d’entreprise s’accélère dans le monde de la digital workplace : offrir un panel d’applications concordant avec les vrais usages des collaborateurs, tout en maintenant une cohérence pour éviter l’éclatement de l’information et la perte de cette intelligence collective si indispensable à l’entreprise digitale.