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Repenser la mobilité urbaine en plaçant le voyageur au centre

Les transports sont un sujet d’actualité brûlante, que nul habitant, ou visiteur, d’Île-de-France, peut ignorer. Le but ici n’est pas de débattre sur la grève, mais plutôt de la voir comme une opportunité pour repenser nos façons de se déplacer en ville, voire même “une opportunité de changer d’habitudes de transports et choisir des plus vertueux“, selon Frédéric Rodriguez, président de GreenFlex, un cabinet qui favorise l’accélération des transitions environnementale, énergétique et sociétale des entreprises.

Je souhaite aujourd’hui me pencher sur les transformations que vivent les villes en termes de transports, et sur celles à venir. En effet, les changements sont inévitables puisque nous assistons à une croissance toujours plus importante des villes. À ce jour, 80% de la population française est urbaine, impliquant une désertion des campagnes, mais cela pourrait être le sujet d’un prochain article.

L’urbanisation transforme le paysage des villes et nos habitudes de vie, ces mutations créent de nouvelles problématiques qui nécessitent des solutions viables. Voici les principaux axes problématiques qui me viennent à l’esprit :

  1. Des villes de plus en plus denses avec un fort trafic — comment choisir son transport ?

  2. Des villes de plus en plus étendues — comment faciliter une mobilité multimodale ?

  3. Des transports polluants — comment réduire son empreinte écologique ?

L’objectif de cet article est d’aborder diverses solutions avec un regard analytique sur l’expérience utilisateur, particulièrement dans la ville de Paris. Il existe aujourd’hui un large maillage de solutions pour se déplacer en zone urbaine, qu’elles soient à leurs prémices, à la pointe de la technologie, ou ancestrales.

#1 Comment choisir son transport ?

Cette vaste diversité de solutions est le constat duquel partent les plateformes de Mobility as a Service (MaaS) qui regroupent l’ensemble des offres de mobilité d’une ville. MaaS simplifie et améliore l’expérience voyageur afin de favoriser l’utilisation des transports en commun. Il s’agit d’un grand changement pour les voyageurs puisque l’on regroupe les solutions d’une multitude d’acteurs (publics et privés) pour que l’individu puisse construire sa propre mobilité.

Prenons CityMapper par exemple, l’application mobile de déplacements urbains et calculs d’itinéraires, elle a été créée en 2011 et incarne le principe du MaaS. Elle est active dans de nombreuses villes, notamment dans les capitales Londres, Paris, New-York, Berlin et Tokyo. L’application s’adapte à chaque ville en combinant les différents modes de transports existants (RER, métro, bus, taxis, à pied, etc.), mais doit rester à jour en intégrant des événements imprévus (#grève) mais aussi les nouveaux arrivants, notamment les “transports flottants”.

Les transports flottants, ou free floating, font référence aux véhicules que l’usager géolocalise en libre-service et démarre grâce à une application mobile. Ces transports ont explosé dans les capitales européennes et semblent sans limites, entre trottinettes, vélos et scooters. Ils présentent des avantages certains : les voyageurs utilisent de nouveaux moyens de transport (notamment avec l’électrique), plus besoin de chercher la station la plus proche pour le déposer et pas d’abonnement, donc j’ai la liberté d’utiliser autant de moyens différents que je souhaite. Cependant, ces avantages pour l’utilisateur peuvent se convertir en cauchemar pour les villes, dont certaines comme Londres ou Valence (Espagne) qui ont fait le choix d’interdire les trottinettes électriques, à cause de parkings sauvages, et de circulation dangereuse.

Face à ces nombreuses options, il s’agit ensuite de comprendre comment l’utilisateur va faire son choix de transport. Plusieurs facteurs influencent le choix du transport, certains peuvent paraître assez évidents, notamment : la rapidité (le transport est souvent considéré comme une perte de temps), le prix, le confort, mais aussi la sécurité, la validation sociale (comment je suis perçu(e) par les autres en utilisant ce moyen-là) et les événements de la vie (mon travail, mon domicile, ma situation familiale).

Actuellement, aucune plateforme ne pourrait considérer absolument tous les moyens de transport possibles sans perdre le voyageur, il s’agit alors de rassembler les plus grands acteurs du marché.

Mais ne serait-il pas possible de rassembler toutes ces solutions et les proposer selon les critères d’importance ? Donc de mettre en place une personnalisation des critères évoqués ci-dessus afin de proposer la meilleure offre à l’utilisateur.

Par exemple, si l’on considère que le critère primordial de Madame X pour choisir sa mobilité c’est “me sentir en sécurité”, on pourra lui proposer un acteur comme Kolett. C’est une plateforme de VTC entre femmes (conductrices et clientes) disponible à Paris et qui a pour ambition de s’étendre à toute l’Île-de-France. Mais d’autres solutions seront également proposées à Madame X, selon ses autres critères d’importance, et le degré d’importance accordé au critère “me sentir en sécurité”. Notamment, des services de covoiturages qui ont intégré une option “entre femmes”, comme BlablaCar et Karos.

#2 Comment faciliter une mobilité multimodale ?

Il est très agréable d’avoir un éventail d’options avant de faire son choix, on peut trouver celui qui nous convient le mieux, le plus adapté à nos attentes et nos envies. Cependant, lorsque l’on choisit son transport on essaie de s’y tenir, car nous nous sommes engagés en payant un abonnement ou titre de transport. Vous conviendrez qu’il est rare de posséder une voiture, un abonnement de métro / bus, un autre de vélib’ et d’utiliser régulièrement des VTC et trottinettes électriques.

Ce constat traduit une frustration assez répandue : le fait de devoir acheter différents types de tickets de transport ou abonnements selon les moyens utilisés. Cela rend le choix et le trajet parfois plus difficiles, particulièrement lorsque l’on est touriste et que l’on ne connaît pas bien une ville. De plus, l’expérience d’achat du titre de transport elle aussi peut être très désagréable : la queue en station, des machines défectueuses, un mauvais titre ou abonnement acheté, etc.

Pour répondre à cet irritant, il faudrait une solution pour se déplacer dans une ville ou zone urbaine grâce à un ticket unique, qui comprend tous les moyens de transport utilisés. Il faudrait également faciliter l’expérience d’achat du ticket et sa conservation durant le voyage.

Dans ma tête, cela pourrait s’articuler autour d’une application de MaaS qui accomplirait les tâches suivantes :

  1. (1) on vous demande de renseigner votre heure et lieu de départ & d’arrivée ;

  2. (2) on vous propose plusieurs itinéraires et moyens de transport en précisant plusieurs critères que vous pouvez personnaliser (temps de transport, temps de marche, distance, prix, etc.). Voir illustration ci-dessous ;

  3. (3) vous choisissez votre moyen de transport qui vous convient le mieux ;

  4. (4) on vous fournit un e-billet unique qui couvre tous les transports utilisés (que ce soit voiture, taxi, VTC, covoiturage, scooter, vélo, trottinette), payable et téléchargeable directement depuis votre smartphone ou ordinateur.

Cette idée n’est pas une illusion, puisque le concept de ticket unique est déjà commercialisé par Whim, considéré comme l’un des précurseurs en matière de MaaS. L’application mobile, développée par MaaS Global, une entreprise finlandaise, propose plusieurs types d’abonnements : du ticket unique pour un voyage unique (pay as you go), à l’utilisation illimitée de tous types de transports pour 499€ par mois. Les adhérents peuvent ainsi planifier, réserver et payer leur trajet en bus, en train, en taxi ou encore en vélo libre-service, et ce, sur une même plateforme. Après avoir validé l’itinéraire, l’application génère des e-billets sous forme de QR code. L’utilisateur a ensuite accès au récapitulatif de son trajet et peut visualiser ses déplacements sur une carte intégrée. Lorsqu’autorisée par l’utilisateur, l’application peut également se synchroniser aux agendas des utilisateurs afin de planifier à l’avance leurs futurs voyages. Si l’application a fait ses débuts à Helsinki, elle s’étend désormais dans de nombreux pays d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie.

Ce type de service permet de briser les frontières entre différents acteurs du transport, qu’ils soient publics, privés, innovants ou plus traditionnels. C’est une approche qui pourrait se révéler essentielle dans de nombreuses villes pour faciliter les déplacements. Notamment en France, je pense au projet le « Grand Paris Express ». Il s’agit du plus grand projet urbain d’Europe, qui prévoit 200 km de lignes automatiques, soit autant que le métro actuel, et 68 gares. L’objectif est de faciliter les déplacements au sein de la métropole, mais également de faciliter l’accès depuis les périphéries, souvent oubliées dans les grandes villes. Ce projet de développement du réseau des transports publics se présente également comme une alternative à la voiture en zone urbaine, et une occasion de réduire les embouteillages et la pollution.

#3 Comment réduire son empreinte écologique ?

L’écologie est une préoccupation grandissante chez les utilisateurs et devient donc un critère de plus en plus important lors du choix de la mobilité. Il s’agit maintenant d’un sujet inévitable lorsque l’on parle d’expérience voyageur.

Le covoiturage

La ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne a annoncé récemment qu’elle voulait faire tripler la part du covoiturage domicile-travail en cinq ans, en multipliant les initiatives pour faire reculer “l’autosolisme”. “Aujourd’hui, nous nous engageons avec une ambition : 3 millions de covoitureurs du quotidien d’ici cinq ans”, a-t-elle relevé, rappelant qu’”ils sont déjà un million chaque matin pour aller travailler”.

Plusieurs initiatives de covoiturage se développent au sein des villes pour les trajets du quotidien (travail, maison, activités, gare, etc.), on les appelle les courts-voiturages. Ces trajets de moins de 5km représentent 75% des déplacements que l’on fait en ville. Une des applications les plus connues est BlaBlaLines, qui propose des covoiturages domicile-travail partout en France. Et pour continuer à inciter les individus à arrêter “l’autosolisme”, tous les trajets BlaBlaLines en Île-de-France sont offerts par Île-de-France Mobilités !

Prenons un autre exemple : l’application Karos. Ce service de co-voiturage fonctionne grâce à une intelligence artificielle. On vous demande de renseigner les adresses de départ, d’arrivée, ainsi que les horaires, et l’intelligence artificielle analyse les trajets des autres covoitureurs pour vous proposer automatiquement les meilleurs courts-voiturages. Il s’agit d’un service également à destination d’entreprises pour covoiturer entre collaborateurs. Karos peut aussi accompagner l’entreprise dans l’adoption du produit et les changements que cela engendre aux niveaux individuel et collectif.

Le vélo

Moyen de transport dès le début du 19ème siècle, il n’est pas révolutionnaire, et pourtant l’utilisation du vélo a doublé durant ces 10 dernières années en moyenne dans le monde. Quels sont les facteurs influençant cette explosion ? Une conscience écologique qui se propage, la volonté de se déplacer plus facilement en ville (sans embouteillages, les villes favorisent les pistes cyclables et les points relais vélos à l’entrée des villes) mais également les innovations que connaissent le vélo. Par exemple, le développement du vélo électrique. En effet, les ventes de VAE (Vélo à Assistance Électrique) ne cessent d’augmenter (+ 21% entre 2017 et 2018).

Mais le vélo est en proie à d’autres innovations, comme un guidon intelligent par exemple, notamment celui développé par l’entreprise Velco. L’objectif est de proposer une mobilité sécurisée et personnalisée, grâce à une navigation GPS directement sur votre guidon, des phares automatiques et un système d’alerte et de géolocalisation directement accessible sur votre smartphone en cas de mouvement suspect.

Certains vélos vont encore plus loin dans les fonctionnalités, jusqu’à devenir quasiment un produit de luxe. C’est le cas d’Angell, le smart bike de Marc Simoncini, papa de Meetic (la plateforme de rencontres), de Sensee (les lunettes), d’Heroïn (le vélo) et du fonds d’investissement Jaïna Capital. Sa volonté est de révolutionner la mobilité citadine, et selon lui, “le vélo partagé n’est pas un business model qui peut fonctionner, quand l’objet ne vous appartient pas vous n’êtes pas respectueux. Un service public ne peut pas être piloté par une entreprise privée”.

Pour conclure, il existe beaucoup de solutions afin de se déplacer en ville ainsi que de produits et services pour faciliter ce choix. Mais pour chaque innovation qui répond à certains besoins, d’autres pains ou irritants sont créés. Il faut donc replacer le voyageur au centre de l’innovation, et cela passe par une recherche utilisateur appliquée (quantitative & qualitative), un process de cocréation de la solution en incluant les voyageurs, ainsi que des prototypages rapides afin de pouvoir les tester et les améliorer, les adapter, les affiner, dans un fonctionnement agile.

Rédigé par Cloé Marche, Consultante Acceleration Tactics

Bibliographie – CityMapper – Les Echos – LinkedIn – Tom Travel – Maddyness

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