En juin 2017, Automattic – l’entreprise derrière WordPress.com – a décidé de fermer ses bureaux situés en plein coeur de San Francisco. La raison: seulement une dizaine d’employés sur les 550 se rendaient régulièrement sur place.
L’entrepôt est pourtant parfait pour une startup, avec ses espaces design, sa table de ping-pong, sa librairie et ses grands canapés en cuir. Automattic a toujours poussé ses employés à faire du télé-travail si ils le désiraient. Il y’a même un budget de 250 $ par mois pour prendre un poste dans un espace de co-working: ce mode de travail est devenu la norme pour la plupart des employés.
En France, le cabinet DR Cronos a fait une étude en 2016 sur les bénéfices de la mise en place d’une politique de télé-travail partiel au sein d’une entreprise. Les résultats sont les suivants:
Une baisse de 5,5 jours par an d’arrêts maladie par salariés;
Une augmentation de la productivité de 22%;
Une réduction de 40 minutes du temps moyen de déplacement domicile-travail;
Une augmentation de 45 minutes du temps moyen de sommeil des salariés;
Ce mode de travail est plus populaire que le mode de travail français: 72% des français y sont favorables.
Les nouveaux outils de communication et de collaboration permettent de s’affranchir de la nécessité d’être ensemble, certaines entreprises comme Elastic (entreprise Saas) ne dispose même pas d’un bureau pour leurs 500 employés répartis dans 35 pays.
On voit bien que depuis les années 90, la Silicon Valley est prescriptrice en matière de modes de travail (open-spaces, espaces dédiés aux loisirs ou au repos, accent mis sur la déco, snacks …): cela augure-t-il un futur sans bureaux?
Vraisemblablement, ce ne sera pas le cas pour les grands noms de la technologie. À Cupertino, Apple vient de débourser 5 milliards de dollars pour construire son nouveau campus de la taille du Pentagone. Jamais une entreprise n’a dépensé autant pour ses bureaux. Au final: bureaux ou pas bureaux?
Les bureaux, un vecteur de culture essentielle
Les bureaux sont certes un centre de coût important, mais aussi un vecteur de transmission de la culture stratégique pour l’entreprise. Uber, critiqué pour sa culture du secret et de la compétitivité interne exacerbée, se construit actuellement un nouveau siège tout en espaces ouverts et transparents. De même, la Société Générale, après le scandale Kerviel, un rebâtit des salles de marché sous forme d’espaces ouverts géants de plus de 150 mètres de long.
Le besoin de transparence dans le domaine de l’emploi, qui n’a pas de rôle fonctionnel, mais celui de vecteur de valeurs auprès des salariés. Les valeurs liées à l’honnêteté, l’humain et le besoin de susciter confiance.
Au delà des contextes de transformation, l’espace de travail devient un rappel des origines et de la mission de l’entreprise. Airbnb qui affirme plus de plus en plus de ses valeurs de partage, de rencontres et d’Humanisme dispose de salles de réunions décorées comme des appartements, uniques et invitant à la convivialité, avec des photos de moments de la vie des employés. L’une d’elle est même une réplique de l’appartement dans lequel vivaient les fondateurs de la société, et où ils ont accueilli les premiers clients de la société.
Le bureau comme lieu de vie
La tendance qui se dessine actuellement est même l’inverse du “0 bureau”. Apple ouvre un véritable village qui recrée les conditions de travail d’une université: des librairies, des espaces verts, des cafés, des espaces-salon pour se sentir “comme chez soi”. Le but de ces espaces est de créer la sérendipité dans les rencontres, de générer des échanges et de la collaboration insoupçonnée pour favoriser à la fois la productivité et l’innovation.
Si certains employés se plaignent du bruit, ou de la difficulté de rejoindre leurs collègues dans ces nouveaux espaces, toutes les grandes entreprises de la technologie s’orientent vers ce type de locaux. Au delà de l’espace de travail, les services sont souvent offerts: nourriture à toute heure, garderie, conciergerie, et même services médicaux. Au final tout est mis en place pour que les salariés s’y sentent bien, et pour les décharger de leurs contraintes du quotidien. Apple n’est pas une exception, Salesforce, Google Amazon, tous dépensent des fortunes dans de nouveaux locaux.
Chrysler à New-York aux Petronas Tours à Kuala Lumpur: un symbole de pouvoir et de réussite pour l’entreprise.
En revanche, l’accent est mis de plus en plus sur le salarié et son confort: le but étant avant tout d’attirer de nouveaux et de jeunes talents qui cherchent parfois plus un style de vie qu’un emploi.
Les entreprises de la technologie cherchent à mettre à disposition non pas un lieu de travail, mais un lieu de vie pour attirer les employés certes, mais aussi pour qu’ils restent le plus longtemps possible. Cela pose des questions sur la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée, et ce n’est pas sans rappeler le paternalisme industriel du XIXème siècle: en intégrant la vie privée de l’ouvrier au sein d’un espace fourni par l ‘entreprise, on garantissait un turn-over très faible et une fidélité envers l’entreprise très forte.
Reste à savoir si cette tendance forte de la Silicon Valley se diffusera vers d’autres secteurs. Et pour vous, à quoi ressemble le bureau du futur?