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Ne pas transformer une visualisation en art abstrait

Les couleurs sont des éléments visuels très puissants pouvant faire ou défaire un graphique. Il est donc important de comprendre pourquoi la couleur est une composante aussi utile que risquée. Ces deux thématiques vont donc être abordées, en commençant par l’utilité de la couleur !

#1 Utilité de la couleur

C’est l’un des éléments visuels qui attire le plus le regard. Elle est couramment utilisée dans notre environnement quotidien (signaler les dangers, attirer l’œil sur les affiches publicitaires, distinguer les lignes de métro, etc.). Il est donc naturel de retrouver ce type de distinctions dans des graphiques professionnels.

Nous retiendrons deux utilités principales à la couleur dans les graphiques :

La mise en exergue

L’utilisation de la couleur rouge permet ici d’attirer l’attention de l’auditoire sur l’élément important du graphique. La mise en exergue par la couleur est notamment réalisée dans une optique de storytelling[1].

Dans l’exemple précédent, on pourrait très bien imaginer qu’un directeur souhaite souligner des problèmes d’effectifs en Europe.

Pour optimiser cette mise en exergue, il est conseillé d’utiliser des couleurs vives ou chaudes sur l’élément à mettre en valeur ainsi que des couleurs plus neutres ou froides sur les autres éléments. Cela permet d’attirer et de focaliser le regard du lecteur sur l’élément d’intérêt.

L’ajout d’informations

Les couleurs, tout comme les symboles, permettent d’afficher une dimension supplémentaire sur un graphique. On peut, par exemple, représenter 3 variables sur un graphique en 2 dimensions sans alourdir le visuel.

Le graphique ci-dessous représente la corrélation entre la consommation (axe des ordonnés) et la puissance moteur (axes des abscisses). La couleur permet de rajouter une information concernant le nombre de cylindres dans les moteurs.

Concernant cet ajout de dimension, nous pourrons distinguer 4 types d’échelles de couleurs[2].

– L’échelle binaire utilisable pour distinguer deux états. On cherchera ici à utiliser des couleurs avec de forts contrastes : le noir et le blanc, le jaune et le bleu, le vert et le gris, etc.

– L’échelle nominale pour mettre en avant des différences non-hiérarchisables : départements d’entreprises, lignes de métro, typologie de terrain, etc. Des couleurs ayant de forts contrastes correspondent très bien à cette échelle : bleu, orange et vert.

– L’échelle ordinale (ou séquentielle) permettant de différentier des éléments hiérarchisables (catégories d’âge, niveaux de diplômes, scores, etc.). Pour ce type d’échelle, des dégradés de couleurs permettent de faire la distinction tout en liant les valeurs les plus proches.

– L’échelle divergente pour représenter des écarts par rapport à un état/seuil considéré comme neutre. La notion de satisfaction client peut par exemple être représenté avec ce type d’échelle. L’échelle comportera alors une modalité centrale (intégrée à l’échelle d’évaluation de la satisfaction) ne pouvant être rattachée ni à un sentiment positif ni à un sentiment négatif. Il est important de noter que cette échelle est impaire et possède à minima 3 niveaux. Généralement 3 couleurs sont utilisées : une pour le seuil neutre (couleur plutôt neutre) et deux autres couleurs ayant de forts contrastes (avec leurs dégradés s’il y a 5, 7 ou plus de niveaux) pour les écarts.

Dans l’illustration précédente, une échelle nominale a été sélectionnée alors qu’une échelle ordinale aurait été plus adaptée. Corrigeons cela avec plusieurs valeurs de la couleur bleue !

#2 Les risques associés à la couleur

Les couleurs sont à sélectionner avec la plus grande attention possible. De nombreux biais et contraintes sont à prendre en compte lors de l’élaboration d’un graphique. Les principaux problèmes présentés ci-dessous représentent les principaux risques, sans pour autant rendre cette liste exhaustive.

La lisibilité

Le choix des couleurs doit rester naturel, sans empêcher la lecture ni laisser la place au doute entre deux couleurs ou deux teintes. Pour pallier ce problème, nos yeux et notre attention suffisent (ou ceux de la personne réalisant le test du candide[3]).

Pour nous aider, nous pouvons également mesurer la différence de couleur. Divers calculateurs gratuits sont disponibles sur internet pour nous éviter les calculs manuels.

Limiter le nombre de couleurs utilisées

Un trop grand nombre de couleurs est contraignant pour l’œil, sans compter l’effort visuel qui sera nécessaire pour faire les allers et retours avec la légende.

En conséquence, des palettes restreintes sont à privilégier comprenant au maximum 3 à 5 couleurs différentes. Au besoin, il sera peut-être nécessaire de regrouper des modalités ou changer le type de graphique.

Prendre en compte les biais culturels et psychologiques associés aux couleurs

Dans l’imaginaire collectif, certaines couleurs sont associées à certains éléments au sein de thématiques comme par exemple le cas des partis politiques.

Sans légende il serait possible, dans le cas ci-dessous, d’imaginer quels départements ont été remportés par le Centre/Modem, le FN, le PS ou encore par l’UMP lors d’une élection fictive dans les années 2000.

Il est également possible de citer en exemple le cas des couleurs rouge, orange et verte. Inconsciemment ces couleurs sont associées à l’autorisation et l’interdiction, le bien et le mal.

Dans un contexte plus international, certains sujets ont des couleurs associées différentes. Par exemple, le deuil dans les pays occidentaux est associé à la couleur noire, tandis que les cultures asiatiques y associent le blanc, alors que la culture indienne préfère le marron.

Bien entendu, ces biais sont propres à certains domaines et la couleur rouge, marron ou bleue peuvent être utilisées pour d’autres graphiques décorrélés des sujets évoqués.

Les visualisations peuvent être imprimées

Il est conseillé de vérifier la compatibilité des valeurs des couleurs utilisées pour un passage en noir et blanc. L’exemple ci-dessous montre que des couleurs très différentes visuellement peuvent avoir la même valeur et donc être quasi identiques en noir et blanc.

Le dernier point, et pas des moindres : le cas du daltonisme

Cette anomalie de perception des couleurs ne touche généralement que les hommes et concerne environ 8% d’entre-eux (contre 0,5% des femmes). Cette altération des couleurs peut être pénalisante dans le message qu’une visualisation doit faire ressortir.

Il existe divers outils de simulation gratuits recréant les visions des principaux cas de daltonisme. Il peut être intéressant de vérifier le risque des couleurs utilisées, notamment lors de présentations devant une large audience.

Divers sites permettent d’aider à la création de palettes optimales (en prenant en compte le plus possible les risques présentés ci-dessus). On citera notamment ColorBrewer.com et la Color Wheel d’Adobe.

Il ne vous reste plus qu’à élaborer vos plus belles palettes !

Rédigé par Eliot Moll, Consultant Data Driven Business

Thanks to Max Mauray. Notes [1] Le storytelling est une méthode de communication fondée sur une structure narrative du discours permettant de faire passer un message depuis les données le plus facilement possible. [2] Selon les travaux de Cindy Brewer. [3] Test du candide expliqué dans cet article (Medium).

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