La sortie de crise Covid, combinée à la guerre en Ukraine a généré une inflation massive, amplifiée par la reprise économique, une relance budgétaire massive, des pénuries sur certaines matières premières et une tension sur le marché énergétique.

Cette inflation, estimée à 6,5% en France depuis un an, est compliquée à objectiver et mesurer tant elle touche de manière inégale les pays et secteurs. Les entreprises sont confrontées à une difficulté majeure : comment acheter au prix juste dans un contexte d’inflation généralisé ? Comment anticiper les effets de cette inflation sur l’activité des mois à venir ?

Martin Alteirac, Responsable Data for Sustainability chez Saegus, nous explique comment les directions procurement peuvent contribuer, en exploitant mieux leurs données, à minimiser les impacts de l’inflation sur la performance de leur entreprise.

Quelles données les entreprises peuvent-elles utiliser pour objectiver l’inflation ?

Les directions achats ont la chance de disposer pour la plupart d’une source de données critique : leur ERP (Enterprise Resource Planning). L’ERP stocke l’historique de la donnée nécessaire pour déterminer ce qu’une entreprise achète, à qui et où elle l’achète, et évidemment à quel prix. L’exercice n’est pas évident pour les entreprises, qui exercent souvent une activité globale dont les fournisseurs sont répartis dans le monde entier.

Cette première étape permet de construire une cartographie macroscopique des achats de l’entreprise et lister les principales catégories de produits, ou matières premières, ainsi que leur provenance. Cette étape est importante car elle permet d’identifier les types de données nécessaires pour mesurer l’impact de l’inflation dans ces pays. Elle permet également d’identifier les principaux marchés (combinaison d’une catégorie de produit et d’un pays de provenance) intéressants à vigiler.

Pour préciser la mesurer de l’inflation, il est intéressant de déterminer si d’autres sources de données peuvent être récupérées – par exemple, si l’entreprise stocke les offres de prix de ses fournisseurs avant même que les commandes soient passées.

Enfin, il est intéressant de mesurer l’impact potentiel de l’inflation sur les prix payés sur un marché en particulier. Si une partie de l’évolution des prix de vente est liée à des facteurs attribuables à l’inflation (évolution du coût des matières premières, coût du travail, coût de l’énergie…), ce n’est jamais le seul driver – l’équilibre de l’offre et la demande ou une situation concurrentielle sont par exemple des facteurs d’influence essentiels. Il est donc fondamental de réserver ce type d’exercice à des marchés au sein desquels l’évolution du prix payé est principalement liée à celui du coût de production (présence de la concurrence, équilibre entre l’offre été la demande, marges stables).

Une fois ces données internes collectées, il faut donc collecter des données économiques permettant la mesure de l’inflation ?

C’est effectivement l’étape suivante. En fonction du secteur d’activité de l’entreprise concernée, il faut identifier un ou plusieurs fournisseurs de données permettant de consulter en temps réel les données relatives à l’évolution des drivers de coûts dans les pays concernés.

Par exemple, si vous achetez du câble de cuivre en Indonésie, vous pouvez identifier les principaux indices ayant un impact sur son coût de fabrication dans le pays étudié : les salaires dans l’industrie, le coût de l’énergie, le coût du cuivre…

Les fournisseurs proposent en général des modèles de coûts associant ces indices unitaires pour reconstituer un modèle représentant l’évolution théorique des coûts de production, produit par produit.

Une fois ces données récoltées, il est alors possible de comparer l’évolution des prix payés à l’évolution du modèle de coût associé, donc d’objectiver l’impact réel de l’inflation dans l’évolution des prix proposée par le fournisseur. Ce type d’indice étant aussi disponible sous forme de forecasts, il est possible de réaliser des projections sur les prochains mois voire les prochaines années, même si le contexte actuel pousse à la prudence.

Ce type de mécanisme permet ensuite d’estimer l’évolution du prix d’achat d’un produit en fonction de l’évolution attendue de ses principaux drivers de coûts, tout en donnant une marge d’erreur sur cette prédiction.

Concrètement, par quel type d’outil ce type de démarche peut-il se matérialiser ?

La première étape constitue à vérifier que l’entreprise dispose de données suffisamment précises pour réaliser ce type d’étude. Cette étape permet en général de fixer un premier périmètre à adresser : une ou plusieurs familles de produits ayant une origine géographique claire.

Une fois que cette première étape est franchie, on construit une matrice associant à chaque couple (produit/provenance) un modèle de coût. Ce modèle est constitué d’une liste d’indices, auxquels sont associés un poids. Une fois que cette matrice est constituée, l’évolution des prix peut être comparée à l’évolution du modèle de coût associé. Il est alors possible d’identifier parmi les fournisseurs :

  • Ceux qui surperforment : dont l’évolution des prix est inférieure à celle de l’inflation théorique liée à l’augmentation de leurs coûts ;
  • Ceux qui sous-performent : dont l’évolution des prix est plus importante que l’inflation.

On va également être capable de produire des prévisions d’évolution des prix des produits en se basant sur les prédictions d’évolution des coûts de production de ces produits.

Il y a ensuite deux manières d’exploiter cette donnée :

  • La première est de l’injecter dans les systèmes d’information existants de l’entreprise. Si vous vous apprêtez à analyser les offres de prix de vos fournisseurs, il est intéressant de disposer d’une estimation du prix cible qui permet automatiquement d’évaluer la pertinence du prix proposé ;
  • La seconde est de développer des tableaux de bord interactifs analysant ce type de données de manière à la fois macro et micro, sur plusieurs types de produits et dans plusieurs pays. Il est ainsi possible de naviguer au sein des données pour faire des analyses à la carte.

L’intérêt de cette seconde approche est d’accéder à une information détaillée utilisable en phase de négociation financière. Si l’un de vos fournisseurs cherche à justifier l’augmentation d’un de ses prix par l’augmentation du coût de l’énergie ou d’une matière première à un certain pourcentage, il vous sera possible d’accéder en quelques clics à une information fiable permettant, le cas échéant, de contrer ses arguments si les hausses annoncées ne sont pas réelles ou si leur impact sur le coût de production est marginal.

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Rédigé par Martin Alteirac, Responsable Data for Sustainability au sein de notre département Data Driven

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